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Saudinos, Louis, 1960. Le quillier de Mayrègne

Ce manuscrit conservé au MUCEM, concerne le jeu de quilles pyrénéen tel que pratiqué autrefois à Mayrègne. Louis Saudinos en 1960, n’a pas eu accès aux règles de ce jeu : il procède par interview et nous livre quantité d’indices pour qui voudrait reconstituer ce divertissement du dimanche, d’une étonnante richesse. Lors de la Hesta, à Bagnères-de-Luchon, l’association Pastorala dévouée à la mise en valeur, à la transmission de la langue et de la culture occitanes, fera revivre ce jeu (si nous comprenons bien : sous le nom de « Jeu de quilles de neuf » : et bravo !).

Fruit d’un travail de longue haleine et de grande patience, nous proposons ici plusieurs ressources du même auteur relatives à ce jeu :

« Quilles pour femmes et enfants. Jeu de plein air : au Poui. Le fabricant en était payé en œufs. (…)

Jusqu’en 1790, tenir quillier dans une basse-cour fut le privilège honorifique conféré à la noblesse.
A Mayrègne, le quillier fut situé à la basse-cour que nous connaissons bien: ce qui permit d’en sauver la sous-structure et de la joindre à la collection d’ethnographie du musée de Luchon. Les habitants y jouèrent de 1790 à 1900 Depuis cette époque on joua à l’auberge de Caubous. Ce quillier, depuis quelques années, n’existe plus.
De ce jeu, nous n’avons pu découvrir un règlement. Il en est résulté d’amicales discussions.
Ce qui est demeuré incontesté, c’est le langage qui se tient au quillier. Il remet en mémoire les données de la philosophie, antésocratique, où la matière est le nombre et la forme des choses. A cet égard, c’est nous qui interprétons la désignation des jeux ci-après :

I. Le 7 court dans la vie pastorale symbolise, par temps pluvieux, le parcours réduit du troupeau aux alentours du cortail.

II.- Hicha: (fiche). La fiche, en haute montagne, est un signe crucial : ce sera un arbre isolée, un rocher etc. qui permettent au berger, au chasseur de découvrir la direction à suivre.

III.- Le « biroulet  » (demi tour ) figure le sentier en lacets nombreux en haute montagne.

IV.- Saouta-ru symbolise le saut qu’il faut faire pour franchir un ruisseau.

V.- Dus de vola (deux de boule). A cette forme, contrairement aux autres formes, la boule doit faire tomber deux quilles successivement plantées. A cette forme, la boule représente la force de l’ouragan qui abat un sapin et qui dans sa chute, entraine celle d’un sapineau tout voisin.

VI.- Cœur.- Ce jeu figure sur la montagne le point où, le soir, le troupeau se réunit (courtaou).

VII.- Saouta-cor. (saute cœur). A ce jeu la quille centrale du quillier doit être respectée : elle figure la cabane du berger. La surveillance du cœur est exercée par une quille la « chevrière ».

Telles sont les sept formes. Et aussi il y a sept formes dérivées. Bornons-nous à citer le 7 long qui figure les longs parcours du bétail aux beaux jours.
La sylvaine en l’honneur du dieu « Sylvano » qui fait pousser l’herbe. etc..
Tout joueur, avant de tirer doit dire  » tira » on bien « Lecha ». S’il dit tira, les quilles visées par le mandant doivent tomber et il a le droit de tirer un second coup : les quilles qui tombent sont bonnes. Le joueur doit avoir la quasi certitude de réussir. S’il dit lechá il ne tirera qu’une fois,. Mais le joueur du  » tira » s’il ne réussit pas, aucune des quilles tombées ne comptent. Avant de
tirer, tout tireur doit dire: tira ou bien léchá (tirer ou laisser).

Tirer à chouech (choix)
Le perdant du précédent coup a le privilège de mander le prochain coup. Cela se produit lorsque le
mandant abuse un peu de son autorité, c’est à dire qu’il mande des jeux où l’adversaire ne réussit pas. En ce cas, toutes les quilles qui tombent sont valables de part et d’autre.
Le rampeau, au cas d’égal mérité, est en faveur du joueur qui l’a demandé.

Saute-cœur

Aux quilles, il y a un jeu qui appelle l’attention du lecteur c’est le saute-cœur. Il est mandé « saouta
cor è nou vourra ». Cela signifie qu’au « saute cœur » la chute de la boule doit être constatée au delà d’une limite convenue et acceptée des joueurs. Elle est signe certain que la boule ne pouvait pas, au passage, toucher la quille centrale. » (fin de citation)

Nous (A. Saudinos, F. Dinguirard, l’Académie Sacaze, la mairie de Luchon) aspirons à éditer dès que possible la monographie de Mayrègne dans son intégralité. A suivre…