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Essai de bibliographie des monographies consacrées au français régional du midi, et plus spécialement à celui de la Gascogne, surtout pyrénéenne

Dinguirard, J.-C. 1981. « Essai de bibliographie des monographies consacrées au français régional du Midi », Via Domitia, n° 26, pp. 85-96.

La documentation sur le français régional d’Occitanie n’est apparemment pas difficile à rassembler : des relations de voyages aux Statistiques, les ouvrages les plus divers recèlent quelques notations éparses et la production des auteurs méridionaux, volontairement ou non, est généralement riche en méridionalismes. Pourtant, on ne trouve guère de monographie précoce qui
soit consacrée à cet intéressant aspect du langage. Aussi les états anciens du français parlé dans les Pyrénées, par exemple, ne peuvent-ils guère faire l’objet que de reconstitutions conjecturales, à partir d’un “français méridional commun » d’une part : d’où notre parti-pris, ci-dessous, pour les périodes antérieures à notre siècle, d’un inventaire qui déborde très largement l’espace pyrénéen, et même gascon. Mais d’autre part, afin de pondérer le point précédent, il conviendra d’accorder une attention privilégiée au français des grandes agglomérations les plus proches des Pyrénées : Pau, il va de soi, mais encore Bordeaux, Toulouse, Carcassonne, Perpignan …, tant il est vrai que les villes ont leur zone d’influence et de rayonnement, qui est langagière aussi. Immense est le prestige qui s’attache au français parlé dans les grandes villes du Midi. Souvent, il est mal fondé. Le Gascon qui nomme habituellement clouque une mère poule, substituera glousse à ce mot lorsqu’il voudra parler “bon français » : c’est que glousse est (ou fut) usuel à Toulouse, et peu importe dès lors que ce terme, rigoureusement inconnu du français académique, soit lui-même un pur méridionalisme !… On ne soulignera donc jamais assez le rôle des grandes villes du Midi : dans la diffusion du français (selon toute vraisemblance), et surtout parce que le français qu’on y entend constitua paradoxalement l’unique norme des Méridionaux. Et pourtant ! tout le français du Midi n’est pas celui de ses grandes cités. Les endémismes restent nombreux, quoique mal répertoriés : chacun, dans le haut Comminges (au moins), sait ce qu’est un roule, une avant-planche : mais ces termes ne sont pas enregistrés par Desgrouais, ni par Avignon, ni même par Séguy.
Les billes de bois écorcées (grumes ?) et les dosses seraient-elles hors des préoccupations quotidiennes des Toulousains ?
On ne paraît guère s’être soucié des méridionalismes antérieurement au XVIIe s., et à y bien songer on ne pouvait guère s’apercevoir de leur existence auparavant. Pour qu’émerge à la conscience le concept de ‘ français méridional ‘, il faut en effet une double condition :
– que le français soit parlé (et pas seulement écrit) par le Tiers-Etat (et pas seulement par une élite intellectuelle et/ou économique) dans les terres occitanes;
– qu’existe une norme française suffisamment fixée pour qu’on puisse constater des écarts.
Ce truisme permet d’établir avec une relative précision le terminus a quo du phénomène qui nous intéresse. En effet, quelles qu’aient été les époques d’introduction du français en Occitanie (et elles varient fort selon les lieux), il paraît vain de chercher mention du méridionalisme avant les premières tentatives sérieuses d’épuration du français : on sait qu’elles remontent à l’arrivée à la Cour de Malherbe – antécédent un peu lointain, et qu’en fait elles se développent surtout à partir du second quart du XVIIes.
Sans doute nous fera-t-on observer que l’exportation du français en Occitanie n’est que l’une des causes d’apparition du méridionalisme (quoique la plus importante, selon toute vraisemblance); et qu’il convient de ne pas négliger une autre origine : l’émigration en France francophone d’un nombre suffisant d’occitanophones gardant leur substrat linguistique. Mais notre frontière temporelle ne subit que peu d’ajustements de ce fait : miraculeusement, l’invasion de la France (n’exagérons pas : de Paris, peut-être même de la seule Cour) par les « Gascons » ne remonte guère, au mieux, qu’aux dernières années du XVIe s. On peut d’ailleurs se demander si, par le traumatisme linguistique qu’elle infligea aux étiembles du temps, cette invasion n’est pas justement l’une des causes du considérable travail d’épuration du français, qui mobilisera tant d’énergies durant tout le XVIIe s,
Or ces énergies, il faut bien le voir, se concentrent sur un but prioritaire : débusquer le provincialisme du français de Paris, voire de la seule Cour : le XVIIe s. versaillais ne fait son ménage que devant sa porte. Les différentes éditions du Dictionnaire de l’Académie (1694, 1718, 1740 et 1762), les grammaires para-académiques (Remarques de Vaugelas, grammaires de Régnier-Desmarais et de Restaut…) vont peu à peu fixer les certitudes admirables dont sera imprégné le XVIII® s. langagier : dans une seconde étape, d’ailleurs tardive, c’est elle qui permettront d’envisager l’épuration du français, tel qu’il s’est corrompu dans le Midi.
Grâces soient donc rendues aux cacographes, dont les recueils de gasconismes et d’expressions vicieuses (on les appelait des préservatifs), à défaut de travaux proprement linguistiques, nous permettent aujourd’hui de ne pas tout ignorer du français, tel qu’il se pratiquait chez les Occitans des deux derniers siècles de l’Ancien Régime : c’est en priorité sur leurs données que se constitue l’inventaire des méridionalismes anciens du français.

1. (v. 1600 – v. 1900) INVENTAIRE DES MERIDIONALISMES ANCIENS DU FRANCAIS du L.A. 247 (56 rue du Taur, à Toulouse), qui engrange toutefois également les remarques éparses qu’on peut glaner à ce sujet, au hasard de lectures qui sont loin d’être exclusivement grammaticales. Si par « ancien » on y a commodément décidé d’y entendre ‘antérieur au XXe s.’, la définition du « méridionalisme » a posé bien des problèmes. A l’expérience, on a décidé en définitive d’entendre par là tout ce qui, à tort ou à raison, serait explicitement signalé comme tel par les témoins anciens. A côté d’une masse de méridionalismes authentiques, le répertoire offre donc des omissions (les gasconismes de Fæneste n’y sauraient être enregistrés) en même temps que des entrées illégitimes (on y trouvera assassin pour ‘assassinat’, qui est signalé jusque dans le Maine, et l’acception néologique de conséquent, qui sans doute ne doit pourtant rien aux provinces du Midi). C’est que cet Inventaire n’a d’autre but que d’offrir au chercheur des matériaux, évidemment susceptibles de critique. L’important, pour son compilateur, est moins, en définitive, de parvenir à cerner la très problématique vérité linguistique du méridionalisme que d’arriver à saisir celui-ci dans sa réalité sociale. Il est donc notable qu’on ait pu juger que conséquent = ‘important’ constituait un gasconisme, même si l’étiquette est fausse.

2. (av. 1650) VAUGELAS, Recueil de Provincialismes (ms. perdu). “Je ne l’aurois pas remarqué icy », dit Vaugelas d’un provincialisme à la p. 276 de ses Nouvelles Remarques, « où je ne mets que les fautes que les vrais François (sic) ne laissent pas de faire, réservant une liste à part de celles qui se commettent en chaque Province de France ». Mais Alemand, l’éditeur de cet ouvrage posthume, se montre bizarrement flottant à ce propos : après avoir qualifié de curieux et d’utile le recueil, et en avoir laissé espérer la publication (p. 277), il écrira : « nous n’avons cependant point vû ce Traitté. J’apprens seulement qu’il est entre les mains d’une personne qui pourroit bien prendre envie de le publier après qu’il aura vû les Remarques posthumes du même M. de Vaugelas » (p. 440). On a quelque peine à croire qu’un manuscrit signé du nom prestigieux de Vaugelas ait pu rester inédit, à plus forte raison se perdre depuis le début du XVIIIe s. : souhaitons donc qu’il ne soit que provisoirement égaré.

3. (1672) ANONYME, De l’accent de la langue françoise et la manière de le purifier dans nôtre province. Clermont, 1672. [NDE : lien vers le texte retranscrit sur Wikisource]
Cet unicum de la Bibliothèque de Clermont-Ferrand, consacré à peu près exclusivement à la prononciation, a été étudié par GOUGENHEIM, G., “Un traité de 1672 sur la manière de purifier l’accent de la province d’Auvergne », pp. 33-44 de la Revue d’Auvergne, 1933.

4. (1756) LACROIX] D[E] S[AUVAGES], P.A. BOISSIER DE, Dictionnaire languedocien-françois contenant un recueil des principales fautes que comettent, dans la diction et la prononciation françoises, les habitans des Provinces méridionales, connues sous la dénomination générale de la Langue-d’Oc. Nîmes, 1756. (La meilleure et la plus complète édition serait cependant celle, en deux volumes, de Nîmes, 1785, ou selon d’autres telle éd. du XIXe s.). Le but de l’auteur est « d’aider à parler correctement le françois ceux de nos compatriotes qui n’ont pas fait une étude particulière de cette langue” : l’ouvrage constitue donc, sinon tout à fait la première en date des cacologies méridionales, du moins la première dont on soit sûr qu’elle ait été lue du public, c’est-à-dire la première qui répondait à un réel besoin des populations méridionales. L’abbé de Sauvages était d’ailleurs très conscient de cette primauté chronologique, qui écrivait à propos de Desgrouais : “le Livre intitulé Les Gasconismes corrigés, dont l’Auteur a relevé à Toulouse la plupart des fautes que nous avions marquées dix ans auparavant, dans la première édition du présent ouvrage »… -constat d’identité qui le conduit d’ailleurs à poser l’existence d’un “français commun d’Occitanie » remarquablement peu dialectisé,
malgré les substrats divers. Du point de vue du français régional toutefois, on notera que la consultation du LDS est remarquablement mal commode : les faits se trouvent, très disséminés et souvent non explicités quant à leur qualité de méridionalismes, sous des vedettes occitanes. Ainsi – pour nous borner aux toutes premières pages -, c’est s.v. ABELA qu’on glanera « nétoyer. Pr. nétéier », et s.v. ACAMPA qu’est expliquée la différence entre ‘ramasser’ et ‘cueillir’, si méconnue
des Méridionaux…

5. (1766) DESGROUAIS, Les gasconismes corrigés, ouvrage utile à toutes les personnes qui veulent parler et écrire correctement, et principalement aux jeunes gens, dont l’éducation n’est point encore formée. Toulouse, 1766 (on signale en outre des éditions en 1768, 1792, 1801, 1812, 1819; la dernière éd. doit être celle de 1858, cf. ci-dessous, n° 18). Plus que celui de l’abbé de Sauvages, le nom de Desgrouais est attaché à la chasse aux gasconismes, et sans doute à juste titre, son ouvrage étant tout de même de consultation plus facile. Desgrouais, en fait sinon en droit, est bien le père de tous les cacographes méridionalisants du XIXe s.; soit
qu’ils s’inspirent de lui, soit qu’ils entendent se poser en s’opposant aux erreurs de son ouvrage, ils ne résisteront généralement pas au plaisir de le piller.
Une étude mériterait d’être consacrée à la comparaison des diverses éditions de Desgrouais. Il semble bien que l’éd. (posthume) de 1768 soit déjà augmentée par rapport à l’originale; quant à l’éd. de 1801, elle offre bien des suppressions, et aussi nombre d’additions, tant dans le texte qu’au Supplément que le réviseur y a ajouté : ces réfections ont leur intérêt, qui permettraient de mesurer, à une génération de distance, le mouvement du français parlé à Toulouse; tous les changements ne paraissent en effet pas dus aux bouleversements introduits par la Révolution.

6. (1768) L***(AMONTAGNE), E., Traité de la prononciation de la langue françoise ou essai d’observation sur les vices de modulation reprochés aux provinces gasconnes. Bordeaux, 1768. Je cite ce titre d’après F. Brunot.[NDE : ouvrage absent du catalogue BnF numérisé par ethnolinguiste.org dans les années 2020]

7. (1788) ANONYME, Supplément aux Gasconismes corrigés de feu M. Desgrouais (…) destiné principalement pour les maisons d’éducation d’Oléron et de Sainte-Marie.
Je cite ce titre d’après Brunot, qui le cite d’après La Case. [NDE : Louis Lacaze, Président indique détenir un exemplaire de cet ouvrage aujourd’hui introuvable et précise qu’il a été imprimé à Pau, de l’imprimerie JP Vignancour, imprimeur du roi et du parlement, et se vend chez Ducos, libraire, près le Pont, MDCCLXXXVIII, in, Bulletin de la Société des sciences, lettres et arts de Pau, 1883 (Série 2, T. 13) – 1884, p. 139]

8. (1802) VILLA, E., Nouveaux gasconismes corrigés ou tableau des principales expressions et constructions vicieuses usitées dans la partie méridionale de la France. Montpellier, 1802, 2 vol. [NDE : lien direct vers la page correspondant au volume 2] Dans l’Avertissement, Villa se place patriotiquement sous l’égide du Citoyen Domergue et de sa Grammaire françoise simplifiée (1782) et reproche à Desgrouais son ignorance des idiomes du Midi de la France, ainsi que son manque de méthode – nous dirions d’ordre, et simplement alphabétique. Le corpus a été, pour une part, compilé dans Lacroix de Sauvages (ci-dessus, n° 4), pour autre part recueilli auprès des jeunes élèves de l’auteur, qui a évidemment en vue l’amélioration de leur français.
Une innovation intéressante : l’astérisque marque les termes (de botanique entre autres) « dont il faut se servir, si l’on veut se faire entendre; ce seroit une affectation ridicule, lorsqu’on parle au peuple, de n’employer que des expressions françoises, et de rechercher toujours la pureté de la langue ». Astérisqués, donc, GAFAROT ‘glouteron, bardane’, COUTELE ‘iris; glaïeul’, GABIAN ‘petite mouette’, JAZENE ‘chevron’, PEGAT ‘pot de vin, mesure de Toulouse, pesant huit livres’ etc.

9. (1810) ROLLAND, J.-M., Dictionnaire des expressions vicieuses (Hautes et Basses-Alpes). Gap, 1810. Seconde éd. augmentée, sous le titre élargi de Dictionnaire des expressions vicieuses et des fautes de prononciation les plus communes dans les Départemens méridionaux. Gap., s.d. [1823].
Le changement de titre s’explique « par le débit de la première édition; quoique le titre du Dictionnaire semblât n’en indiquer les avantages que pour les seuls départemens des Hautes et des Basses-Alpes, la vérité est pourtant qu’il s’en est vendu un grand nombre d’exemplaires pour la Provence et le Languedoc (…) Ce n’est pas cependant que nous ayons voulu laisser croire par là, que ce Dictionnaire ne soit pas également utile à la jeunesse des autres départemens de France. En le parcourant, on verra que l’auteur s’est attaché à relever une infinité de fautes d’habitude qui déparent partout la langue française”. L’ouvrage a été étudié, peut-être un peu rapidement, par F. Brunot au t. X, 2 de l’Histoire de la langue française (p. 694 ssq.) : on l’y envisage notamment comme s’il était original, ce qui est probablement excessif.

10. (1818) L[ASCOUX], J.-B., Les périgordinismes corrigés. Périgueux, 1818.
B. Quemada, Les dictionnaires du français moderne, signale sous le même titre, à la même date, au même lieu d’édition et sous les mêmes initiales du prénom, un ouvrage qu’il attribue à un certain CAVILLE : s’agit-il réellement de deux livres différents ?

11. (1821) SAJUS, B., Essai sur les vices du langage (…) destiné principalement à la jeunesse des Basses-Pyrénées et des départemens circonvoisins. Pau, 1821. L’ouvrage paraît absent des bibliothèques toulousaines, je n’ai pu le consulter.

12. (1823) L[ASCOUX], J.-B., Gasconismes corrigés, particuliers au département de la Gironde et aux départemens circonvoisins. Bordeaux, 1823. Ce recueil, intéressant par sa date, son lieu de récolte et la profession enseignante de son auteur, souffre des défauts habituels aux cacologies méridionales : Lascoux a beaucoup recopié Desgrouais et ses réviseurs; et puis sous prétexte de purisme, il se fie au seul révélateur du Dictionnaire de l’Académie, qui pis est dans la vieille édition de 1762 ! Lascoux enregistrera
donc comme méridionalismes, pêle-mêle, et du français archaïque (vilité, qui se trouve dans le premier Francion et que Sorel ne se décidera À corriger en vileté qu’à partir de 1633); et du français non-versaillais (sarge pour serge); et du français commun, quoique non académique (s’en rappeler), même s’il a indubitablement évincé la norme ancienne (Lascoux va ainsi jusqu’à préconiser carrelure au lieu de ressemelage). Ajoutons que Lascoux exige de la langue qu’elle soit logique (« il n’y a pas plus de dent de l’œil que de dent du menton ») et l’on comprendra que, pour être abondant, son recueil n’est pas forcément riche.
Son intérêt est d’ajouter à Desgrouais, grâce à des endémismes girondins qui paraissent saisis sur le vif. Ainsi, à l’initiale J : JUNTEE ‘jointée’; JOUER QUE ‘parier que’; JOUER AU SAUTELY ‘jouer à coupe-tête’; JOUTTE ‘bette ou poirée’; SE JOMPLER ‘se balancer’; JOUIR ‘maîtriser’ etc.

13. (1825) SAUGER-PRENEUF, F., Dictionnaire des locutions vicieuses usitées dans le Midi de la France et particulièrement dans la ci-devant province du Limousin. Limoges, 1825.

14.(1829) REYNIER, J.-B., Corrections raisonnées des fautes de langage et de prononciation qui se commettent même au sein de la bonne société, dans la Provence et dans quelques autres provinces du Midi. Marseille, 1829. Une édition ultérieure (Marseille, 1878) modifie ce titre en Les Provençalismes corrigés ou correction raisonnée des fautes de langage et de prononciation que l’on fait généralement dans la Provence et dans quelques autres provinces du Midi.

15. (1835) POMIER, M., Manuel des locutions vicieuses les plus fréquentes dans le département de la Haute-Loire et la majeure partie du Midi de la France. Le Puy, 1835.

16. (1836) G[ABRIELLI], C[harles-Fort-Casimir]. DE, Manuel du Provençal ou les provençalismes corrigés. Aix-Marseille, 1836.

17. (1843) DUPLEICH, Dictionnaire patois-français (…) à l’usage de l’arrondissement de Saint-Gaudens et des cantons adjacents. Saint-Gaudens, 1843. A l’exemple de l’abbé de Sauvages, Dupleich n’enregistre le patois qu’afin d’améliorer le français de ses lecteurs. L’attitude paraît d’ailleurs commune chez les lexicographes occitans, de l’abbé Féraud à Honnorat (C. Anatoleme signale que dans son Projet de 1840, ce dernier se soucie d’une rubrique spécialement consacrée aux provençalismes et gasconismes corrigés). On voudra donc bien considérer que l’ouvrage de Dupleich représente en fait ici la catégorie des Dictionnaires patois ; en ce qui concerne le français régional, il n’est ni le plus riche ni le mieux fait d’entre eux; mais si nous l’avons choisi, c’est parce que son lieu de récolte en rend possible l’utilisation au titre des monographies pyrénéennes.

18. (1858) S.-M. et J.D., Le guide des Gascons ou dictionnaire patois-français comprenant un recueil des gasconismes corrigés. Paris-Tarbes, 1858.
Des 180 pages de cet in-4°, les Gasconismes corrigés n’occupent que les p. 7 à 44; après sondage aux initiales A, B et C, on constate que tout y est emprunté à Desgrouais : faudrait-il en conclure que la Gascogne est décalée d’un siècle par rapport à Toulouse, pour ce qui regarde la propagation du français ?… L’intérêt de l’ouvrage en tout cas vient de la clientèle à laquelle il s’adresse : 11 s’agit d’une brochure de colportage, destinée aux classes populaires, et non plus d’un ouvrage qui s’adresse aux élites.

19. (1875) AVIGNON, P. [NDE : attribué depuis à Taillade, Frix], Les locutions vicieuses corrigées. Toulouse, 1875. Dû à un abondant polygraphe (un enseignant ecclésiastique), cet ouvrage enregistre, parmi des faits de français commun et d’argot scolaire, des exemples intéressants de méridionalismes toulousains : AVOIR L’AMENDE ‘n’avoir pas le sou‘; BARLOQUE ‘baroque’; BROC ‘brindille’; BARAQUET ‘capot’; UNE CENTIME ‘5 francs’; CUISTRE ‘avare’ etc.

20. (1895) PEPIN, L., Gasconismes et choses de Gascogne. Paris-Cahors, 1895.
L’auteur précise qu’il n’a entendu parler de Desgrouais qu’après confection de son recueil. Celui-ci concerne l’Agenais, et ses préoccupations, fait notable, sont moins étroitement grammairiennes que proprement ethno-linguistiques. La moisson est pleine d’intérêt; citons par exemple, sous l’initiale D : DAME PASSEE SUR LA GRAPPE ‘se dit d’une prétendue dame’; DANS LES ‘approximativement’; DEBARRAS ‘objets gênants ou devenus inutiles’; DEMOISELLE ‘ grains de maïs rôtis au four’; LE DIABLE MARIE SES FILLES ‘se dit quand il pleut et qu’il fait soleil en même temps’; DONZEL ‘garçon d’honneur’; DROLE ‘gamin’; DROLAS ‘jeune homme dont on fait peu de cas’; DURCIFIER ‘durcir’, etc.

Rappelons que la liste de ces monographies est probablement très incomplète – de plus en plus incomplète, sans doute, au fur et à mesure que l’on s’éloigne des Pyrénées gasconnes – ; nous exprimons donc par avance notre gratitude aux lecteurs qui voudraient bien nous signaler nos omissions. Nous avons arrêté l’inventaire à la fin du siècle dernier : c’est qu’avec le XXe s. l’étude des français régionaux devient objet d’étude scientifique et non plus seulement prétexte à étalage de purisme. La méthodologie
a fait l’objet d’importantes études, parmi lesquelles il est impossible de ne pas citer celle, si riche, de

21. (1957) BALDINGER, K., « Contribution à une histoire des provincialismes de la langue française », pp. 62-92 de la Revue de Linguistique Romane 81-82 (1957).

Quant aux monographies proprement dites, je me bornerai, à côté des grands classiques du genre, à énumérer celles dont le lieu de récolte se situe au plus près des Pyrénées :

22. (1927) LAMBERT, E., « Sur quelques particularités du parler bayonnais », pp. 275-306 du Bull. Soc. Sciences, Lettres et Arts de Bayonne (1927).

23. (1931) BRUN, A., Le français de Marseille. Marseille, 1931, Thèse comp.

24. (1949) MICHEL, L., « Le français de Carcassonne », pp. 196-208 d’Annales de l’Institut d’Etudes Occitanes I, 2 (1949) et 80-93 d’id., II, 1 (1949).

25. (1950) SEGUY, J., Le français parlé à Toulouse. Toulouse, 1950 (autres tirages : 1951, 1978, ce dernier avec une Préface de X. Ravier). Thèse comp.

26. (1968) FOSSAT, J.-L., « Particularités du français parlé en Moyenne Chalosse », pp. 15-40 de Via Domitia 14 (1968).

27. (1969) CAPDEVIELLE, M., Le français parlé au Pays Basque. Toulouse, mémoire pour le D.E.S., 1969.

28. (1972) FOSSAT, J.-L., “Etude du français parlé : test de la traduction”, pp. 79-113 de Grammatica 1 (1972). Concerne le français des Landes; aborde les questions de méthode.